Entrevue avec Cathy Wong, présidente du conseil municipal de Montréal par Charlotte Jacob-Maguire, membre du sous-comité Accessibilité et personnes handicapées du comité Diversité de Projet Montréal


CJM : Avant ton élection, tu étais une des cinq candidates à prôner l’accessibilité universelle. Maintenant que tu es élue, comment vois-tu ton rôle en tant que présidente du conseil municipal de la Ville de Montréal, par rapport au capacitisme, à l’accessibilité universelle, mais aussi de façon plus générale?

CW : Lorsque j’ai accepté le mandat de présidente du conseil municipal, mon message principal, c’était celui de l’accessibilité et de l’inclusion. La présidence a un rôle symbolique très important en ce qui concerne l’accueil dans une des institutions publiques les plus importantes de Montréal, l’Hôtel de Ville. Pour moi, il s’agissait, à travers ce mandat, d’incarner les valeurs d’inclusion et d’accessibilité à l’Hôtel de Ville comme présidente. Premièrement, il fallait le reconnaître comme un lieu physique qui doit être exemplaire en termes d’accessibilité universelle et d’inclusion, et ce, dans toutes les sphères, que ce soit lors de conseils municipaux ou pour l’accueil des citoyens et citoyennes de Montréal qui viennent poser des questions. On doit s’assurer que l’Hôtel de Ville est accessible à toutes les réalités, qu’il s’agisse de la personne qui souhaite venir en fauteuil roulant ou avec une poussette, d’une personne non voyante, d’une personne sourde, etc. Il faut qu’on soit capable d’offrir un espace inclusif, et ça peut être sous toutes formes de mesures, mais voilà un exemple très concret. On a déménagé il y a deux ans dans l’édifice Lucien-Saulnier. On doit s’assurer que l’ensemble des espaces accessibles aux citoyens dans l’Hôtel de Ville réponde à ces différentes réalités. Par exemple, lorsqu’on a réorganisé la période de questions du public dans le nouvel édifice, on a organisé une marche exploratoire avec des personnes vivant ces réalités, qu’elles soient en fauteuil roulant, non voyantes ou personnes sourdes, pour identifier les barrières systémiques auxquelles elles font face et les changements à apporter. Elles nous ont demandé, par exemple, que l’inscription puisse se faire de différentes façons, pas seulement en ligne, mais également sur place, d’avoir des tables plus basses, de s’assurer qu’il y ait du braille dans l’ascenseur pour les personnes non voyantes, et lorsqu’une alarme sonne, qu’on l’entende, mais qu’il y ait d’autres façons aussi d’en avoir connaissance. Bref, on a exploré tous ces aménagements pour que la période de questions soit la plus inclusive possible. Mais également, dans le « vrai » Hôtel de Ville on va faire des travaux assez importants pour s’assurer que ce bâtiment devienne vraiment exemplaire en termes d’accessibilité universelle. C’est un vieux bâtiment qui date, si je ne me trompe pas, de 1923. On veut devenir exemplaires, par exemple en s’assurant que l’entrée accessible le soit en tout temps. On avait aussi reçu des commentaires sur le comptoir pour s’inscrire, au bureau d’Accès Montréal, qui était trop haut, alors on va s’assurer que les comptoirs seront à la bonne hauteur. Lorsqu’on réfléchit aux aménagements de notre nouvel Hôtel de Ville, on veut intégrer des pratiques en accessibilité universelle. On a consulté, on a fait des marches exploratoires avec plusieurs groupes pour s’assurer des meilleures pratiques. Ça c’est le projet « Hôtel de Ville », mais au-delà de ça, le rôle de la présidence est de s’assurer que la participation citoyenne à Montréal est la plus inclusive possible en rejoignant le plus possible les différents groupes. On veut s’assurer que les communications soient adaptées. Par exemple, dans notre webdiffusion, on veut qu’il y ait du sous-titrage pour les personnes malentendantes. Il y a plusieurs exemples : une personne sourde qui souhaiterait poser une question pourrait être accompagnée par une autre personne capable d’interpréter sa question, mais on lui donnera la parole quand même parce qu’elle a sa façon d’exprimer ses propos qui ensuite peuvent être interprétés par une interprète qui l’accompagne. On veut permettre l’accès aux chiens guides, favoriser leur accès au bâtiment. Bref, c’est toutes ces façons qu’on explore et on espère être exemplaires à cet égard.

CJM : Comment est-ce que certains enjeux deviennent prioritaires à la Ville de Montréal? Quels sont les critères pour qu’un dossier prenne de l’ampleur dans les actions de la Ville?

CW : Je vais répondre du point de vue d’une conseillère de Ville et de présidente. Je crois énormément à l’importance de la représentativité. Pour qu’un enjeu devienne prioritaire, il doit être porté par la personne qui le propose politiquement comme priorité parmi toutes les priorités de la Ville de Montréal. Si je peux me permettre de faire un parallèle avec la question des femmes, du fait qu’aujourd’hui nous sommes 51 % de femmes en politique municipale, on peut voir que la question de la conciliation famille-travail est un enjeu beaucoup plus présent que dans les mandats antécédents. Et donc, je crois beaucoup en l’importance d’avoir des personnes élues qui portent ce dossier et qui les considèrent prioritaires. Comme tu le mentionnais, j’étais une de celles qui a exprimé ces priorités en début de mandat. Ça l’est toujours, et donc aujourd’hui quand on prend des décisions, c’est sûr que je mets toujours mes « lunettes accessibilité universelle ». Je considère que ça doit être un réflexe constant dans les décisions d’aménagement qu’on prend, non seulement comme présidente, mais aussi comme Conseillère de la Ville. Lorsqu’on aménage un nouveau parc, lorsqu’on rend un nouveau lieu accessible, qu’on puisse intégrer les groupes et les personnes qui vivent ces réalités dans la démarche. C’est sûr que ça prend des personnes qui ont déjà cette sensibilité. Pour moi, il est important que, premièrement, on s’assure que des personnes qui vivent ces réalités soient élues, mais également qu’elles aient des alliés élus qui puissent porter ces enjeux pendant leur mandat.

CJM : Comment prévoyez-vous augmenter la présence de personnes handicapées ou en situation de handicap et de personnes sourdes au sein de la Ville, comme élues ou comme fonctionnaires? Quelles mesures peuvent être prises pour y parvenir?

CW : Il est essentiel d’avoir des fonctionnaires et des élu·e·s qui soient des alliés de premier plan sur ces enjeux, qui portent ces « lunettes », qui aient ce réflexe « accessibilité universelle ». Je fais souvent le parallèle avec la question féministe, avec la question de l’égalité, les gens qui portent des « lunettes ADS+ ». Pour moi, ça part de gens dans des positions de pouvoir qui portent ces réalités. Ensuite, à la Ville de Montréal, on a des politiques depuis plusieurs années pour favoriser l’intégration en emploi des personnes qui vivent ces différentes réalités. Mais il faut rester vigilants, parce que ces politiques ne garantissent pas que les résultats soient atteints tous les ans. On le constate dans toutes les sphères où on identifie des groupes marginalisés. On constate que, malheureusement, les objectifs sont très difficilement atteints chaque année et donc, comme élu·e·s, il faut qu’on reste vigilants dans l’atteinte de ces objectifs et rigoureux dans l’application de ces politiques. Nous sommes à une étape où il reste beaucoup de travail à faire dans la remise en question de nos processus d’embauche, dans nos façons de faire des entrevues, de créer des jurys de sélection. Bref, il faut encore apporter énormément d’améliorations. La Ville est assez avancée dans sa volonté d’inclure des personnes issues de groupes marginalisés, mais on doit encore s’améliorer, sensibiliser beaucoup d’équipes à ces réalités. Ça relève du travail des élu·e·s. Il est important d’avoir des élu·e·s préoccupé·e·s par ces enjeux.

CJM : Est-ce qu’il pourrait y avoir quelque chose de coercitif?

CW : C’est sûr que le mot « coercitif » n’est jamais très sexy, surtout lorsqu’on parle d’accessibilité à l’emploi. Malheureusement, il y a toujours le discours voulant que « cette personne a été choisie parce que c’est une femme ou parce qu’elle est à mobilité réduite, et non pas pour ses compétences ». Un des arguments qu’on doit toujours ramener dans ces politiques, c’est que les personnes sont choisies à compétences égales et même, j’oserais dire, à formation égale. Donc, à compétences égales ou à formation égale, on va privilégier la candidature qui provient d’un de ces groupes marginalisés, d’un des groupes qui a été identifié dans le cadre de ces politiques. Il faut constamment le rappeler. C’est un cas de « top-bottom ». On parle beaucoup de « bottom-up », mais dans ces cas, il est important que les employeurs donnent l’exemple de ce que veut dire « à compétences égales » et de briser ces discours qui laissent entendre qu’on embauche des personnes non pas pour leurs compétences, mais pour leur identité ou parce qu’elles vivent avec un handicap. C’est hyper important de briser ce narratif et d’assumer la responsabilité de rappeler que, dans ce contexte, on embauche à compétences égales ou à formation égale. Je pense aussi que c’est de plus en plus important que, dans la sélection, dans les jurys, dans les entrevues, il y ait des personnes vivant avec des besoins spéciaux ou des handicaps, qui participent à ces processus pour aussi les remettre en question, pour être représentées au sein de nos équipes, parce que lorsqu’on ne vit pas ces réalités, il est très facile de les oublier, de les négliger. Je suis pour qu’on s’assure constamment que la composition de nos jurys est représentative des différentes réalités et notamment celle de l’accessibilité universelle.

CJM : Quelle est ta position sur la politique axée sur l’identité ou « identity politics », dont on entend un peu plus parler aux États-Unis?

CW : Si on avait trois jours, je t’en parlerais plus longtemps [rires], mais je vais résumer ma pensée en commençant par un témoignage personnel. Lorsque j’ai été élue, évidemment, j’étais la première présidente du conseil municipal, mais j’ai aussi appris que c’était la première fois qu’une personne d’origine chinoise était élue à Montréal. Et là, rapidement, autant les groupes de femmes que les groupes communautaires, les associations de personnes d’origine chinoise m’ont beaucoup interpelée pour représenter leurs réalités politiquement. Je me suis posé la question : est-ce que le fait d’être une femme d’origine chinoise me donne la responsabilité de porter ces enjeux au niveau politique? Est-ce qu’être une personne d’origine chinoise fait de moi une porte-parole par défaut de ces enjeux et de cette identité? Souvent, la réalité à laquelle j’ai été confrontée lorsque j’ai porté ces enjeux, c’est qu’il était difficile pour moi de représenter l’ensemble de ces réalités parce qu’il n’y a pas une seule façon d’être femme, mais des milliers, des millions. Qu’est-ce que ça veut dire être chinoise à Montréal? Il y en a de toutes les générations, de toutes les régions de la Chine, de toutes les langues, de toutes les religions, de toutes les réalités socio-économiques, et donc rapidement j’ai dû rappeler que, oui, c’est important pour moi de parler au nom de ces groupes, mais que jamais je ne pourrai représenter leur diversité et leur complexité, et que je ne le souhaitais pas parce que ce sont des réalités très diversifiées. Le piège auquel j’ai été confronté, en politique, mais aussi dans les conseils d’administration, dans toutes sortes de milieux où j’étais la seule femme autour de la table, la seule personne d’origine chinoise ou même d’une autre origine que canadienne-française autour de la table, chaque fois qu’on faisait face à un enjeu en lien avec la diversité, on disait « bon, ben, Cathy, qu’est-ce que la diversité a de X, Y, Z? » Puis moi, là, j’étais comme : « bon, de un, ça va être très difficile pour moi de répondre, parce que la diversité n’a pas une opinion (puis j’ai déjà beaucoup de misère quand on parle de LA diversité, il faut parler DES diversités), et c’est très difficile pour moi d’incarner les diversités dans ma singularité, dans l’individu que je suis. Tout ça pour dire que je trouve ça extrêmement important d’avoir des personnes qui incarnent ces identités dans des rôles de représentation, dans des rôles politiques, que ce soit des femmes, des personnes vivant avec des handicaps, des personnes issues des minorités visibles, mais en même temps je suis extrêmement vigilante et critique lorsque ces personnes sont amenées à jouer un rôle de porte-parole unique dans certains contextes où on est minoritaires. Lorsqu’on doit représenter ces identités dans de tels contextes, il peut être très difficile de ne pas être instrumentalisé·e·s parce que les changements sont longs et difficiles, et lorsqu’on est seul·e à les porter, ça peut être très frustrant d’être seul·e à porter des réalités identitaires. Le défi pour ces personnes, c’est de s’assurer de ne pas être seules. Je trouve qu’une des façons d’apporter des changements politiques concrets, c’est d’être une masse critique. On le voit en politique municipale. On est 51 % de femmes. C’est là qu’on voit que des changements sont possibles parce qu’il y a une masse critique de femmes. Mais quand on est seule à porter un dossier en lien avec une identité, que ce soit comme femme, comme minorité visible ou comme personne vivant avec un handicap, pour les enjeux d’accessibilité universelle, ça peut devenir excessivement frustrant, extrêmement lourd, et parfois la solution de facilité consiste à adopter le comportement du groupe majoritaire. La dynamique est tellement difficile qu’on voit, par exemple, des femmes commencer à faire des blagues sexistes dans des milieux traditionnellement masculins. On peut imaginer le genre de défis auxquels elles font face lorsqu’elles sont les seules femmes entourées de plein de gars dans une culture masculine, dans une culture hétérosexuelle, etc. Je sors un petit peu de la question de l’accessibilité universelle, mais tu comprends ce que je veux dire.

CJM : Maintenant, j’ai une question sur le cadre bâti de Montréal. La majorité des commerces ne sont pas accessibles pour les personnes à mobilité réduite. Les obligations d’accessibilité applicables aux petits bâtiments commerciaux et d’affaires relèvent de la compétence des arrondissements. Selon toi, qu’est-ce qui devrait être fait pour remédier à cette situation?

CW : Au centre-ville, c’est un enjeu extrêmement préoccupant. C’est mon district, Peter-McGill, où beaucoup de commerçants ont encore du travail à faire et nous, on a un rôle hyper important, soit d’accompagner ou de contraindre, mais je crois avant tout qu’il faut les accompagner pour entamer ces transformations. La première chose, c’est de pouvoir les accompagner financièrement pour changer l’accessibilité de leurs bâtiments, que ce soit pour changer leur devanture, ajouter des rampes d’accès, rendre leur salle de bains accessible universellement, et ça c’est une question de financement, une question d’avoir le budget pour que les programmes que nous développons soient utilisés et que les commerçants y trouvent leur compte. Majoritairement, je vous dirais que lorsque ces initiatives sont mises en place, les commerçants sont enthousiastes à l’idée de collaborer avec nous pour pouvoir rendre leurs commerces accessibles. Il y a le gros défi de trouver l’équilibre entre le patrimoine et l’accessibilité universelle. Je trouve qu’on est encore à la recherche de cet équilibre. Lorsqu’on transforme une entrée pour la rendre accessible alors qu’elle est patrimoniale, qu’est-ce qu’on privilégie et comment on trouve l’équilibre? On est encore dans les balbutiements de cette réflexion. J’aimerais qu’on puisse avoir de meilleures réponses pour que l’accessibilité universelle soit la priorité et que le patrimoine soit, certes, important, mais que ce ne soit pas un argument qui empêche les aménagements accessibles universellement. Je trouve que le narratif est encore à développer. Ce n’est pas simple. Le deuxième point, c’est au niveau des communications. Quand on développe ce genre de programmes, il y a un défi à aller rejoindre les commerçants, à leur faire connaître ces possibilités. Je n’ai pas les dernières statistiques en tête, mais malgré l’existence de ces programmes, peu de commerçants en bénéficient ou les utilisent. Donc l’enjeu, c’est de les rejoindre, de leur faire connaître ces possibilités et de les accompagner dans cette démarche. Enfin, en ce qui concerne les nouvelles constructions, il n’y a plus aucune justification pour qu’elles ne soient pas accessibles universellement. Dans le centre-ville, la réalité c’est qu’on n’a plus beaucoup d’espace pour construire du nouveau, mais dès qu’on bâtit un nouvel étage, de nouveaux escaliers, une nouvelle entrée, etc., dès qu’il y a du nouveau, il n’y a plus aucun prétexte pour ne pas le rendre accessible universellement. Ça doit devenir un réflexe, autant de l’arrondissement que des entrepreneurs qui font les travaux.

CJM : Dernière question. À Montréal, on comprend bien l’importance de célébrer la fierté LGBTQ ou la fierté d’être une Montréalaise. On comprend moins bien l’idée d’être fière ou fier d’être une personne handicapée. Selon toi, qu’est-ce qui pourrait être fait pour célébrer la fierté des personnes handicapées à Montréal et pour mettre en valeur leur présence comme citoyen·ne·s de notre ville? Une Fierté handicapée, par exemple?

CW : J’adore la question parce que je pense qu’on ne se la pose pas assez. C’est un petit peu délicat : je ne vis pas de défis d’accessibilité universelle, et donc c’est sûr que la fierté doit venir avant tout des personnes concernées. Je ne veux pas avoir l’air de leur expliquer ce qu’elles doivent faire! Tu comprends ce que je veux dire? Comme l’homme qui explique aux femmes ce qu’elles devraient être… [rires] Je veux faire attention à ma réponse. Je suis très sensible à ne pas prendre la parole de ceux et celles qui vivent ces réalités. Pour moi, à Montréal, une des grandes fiertés, c’est de se dire qu’on est une ville où toutes les réalités peuvent cohabiter. Et on veut être l’exemple de la ville où ces réalités peuvent cohabiter. Pour moi, la cohabitation est une valeur au coeur même de la fierté de tout·e Montréalais·e. Dans la réflexion des personnes qui vivent avec un handicap, je peux imaginer que la fierté n’est pas aussi facilement accessible que, par exemple, celle d’être femme. Mais ce que je vois depuis que je suis en politique, c’est à quel point la mobilisation, le narratif, la solidarité se sont développés dans plusieurs groupes, dans plusieurs contextes de militantisme, et pour moi, ça fait partie aujourd’hui d’une réalité dont on doit être fières-fiers, dont on doit être solidaires, et on ne peut plus seulement parler de la diversité d’un point de vue de genre, etc., mais aussi de l’accessibilité universelle. C’est grâce aux personnes qui vivent ces réalités que ce narratif est beaucoup plus présent dans le discours public et dans les changements qu’on apporte à notre société. Aujourd’hui, chaque bâtiment rendu accessible universellement, c’est grâce aux personnes qui vivent ces réalités et qui ont sonné l’alarme, grâce à elles que ces bâtiments sont accessibles pour les futures générations. La fierté des personnes vivant avec un handicap, ce sont les legs qu’elles laissent lorsqu’elles s’expriment, lorsqu’elles portent le message de l’accessibilité universelle et celui de la transformation de notre société, de nos bâtiments, de notre patrimoine. En matière d’accessibilité universelle, je trouve qu'une des grandes fiertés est aussi le fait que les personnes vivant avec un handicap ne mènent pas la lutte seulement pour elles, puisqu’elle touche aussi, par exemple, les personnes aînées et les femmes qui se déplacent avec        une poussette, Leurs gestes ont donc un impact extrêmement important sur l’accessibilité de plein d’autres personnes qui veulent aussi s’approprier la ville, sortir, pouvoir se déplacer et accéder à la ville. Cette fierté, c’est de laisser le legs, important pour la société, d’un cadre bâti accessible universellement et inclusif. Et ça, c’est grâce aux personnes qui vivent la réalité du handicap et qui, par leurs actions et leurs prises de parole, changent drastiquement nos façons de voir le cadre bâti et l’inclusion au sein de notre société. Ça répond à la question?

CJM : Bon nombre de personnes handicapées souhaitent qu’il y ait un mouvement pour une Fierté handicapée.

CW : Wow! C’est super! [rires] C’est drôle que tu me le dises parce que, honnêtement, en te répondant, je me suis demandé pourquoi ça n’existait pas encore. Je ne voulais pas être celle qui dit : « vous devriez faire ça »! Je veux faire attention, mais imaginez que dans notre ville ont puisse avoir une Fierté, je veux dire un moment…

CJM : Un moment… une journée au moins!

CW : Exactement! On l’imagine un peu comme la Fierté gaie, pour faire une comparaison. Je pourrais peut-être ajouter un élément de réponse : malheureusement, les personnes handicapées sont encore très invisibilisées. Il y a un enjeu d’invisibilisation. Cette Fierté serait tellement importante pour rendre visibles des réalités, je dirais même le handicap de notre société, le handicap de notre bâti, qui n’est toujours pas capable d’offrir la dignité à laquelle les personnes handicapées aspirent, et donc de rendre ces réalités comme on le fait avec la Fierté gaie, ce serait une étape essentielle. Je suis convaincue qu’énormément de Montréalais·es se réveilleront. On est si peu conscients des barrières systémiques et on ignore à quel point elles sont un handicap que la société porte et que les individus ne doivent pas porter. Le fardeau incombe à notre société. C’est à elle de le porter et de répondre aux différentes réalités.